• "So real"- Jeff Buckley

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  • "Et, à moins de quinze centimetres de moi  et de ma vie ardente, gisait la nébuleurse Lolita!Après une longue et impassible attente, mes tentacules se déplacèrent de nouveau vers elle, et cette fois le craquement du matelas ne la reveilla pas. Je parvins à rapprocher mon anatomie rapace si près d'elle que l'aura de son épaule nue picota ma joue comme un souffle chaud. Et soudain, elle se releva, soupira, marmonna avec une rapidité insane queluechose à propos de bateaux, tira sur les draps et sombra de nouveau dans les opulentes ténèbres de sa jeune inconscience. Tandis ce qu'elle s'agitait, au coeur de cet intarissable flux de sommeil _ tout à l'heure auburn, lunaire à présent _, son bras me frappa en travers du visage. Je la retins l'espace d'un instant. Elle se libera de l'ombre de mon étreinte _ pas consciemment, ni violemment, sans répulsion personnelle, mais avec ce murmure neutre et plaintif que pousse un enfant qui exige son repos naturel. Et les choses etaient revenues au point de depart: Lolita présentant son dos lové à Humbert, Humbert le t^te posée sur l'oreiller de sa main et brûlant de desir et de dyspepsie..."

    Lolita- Nabokov


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  • " On nous prête les pires défauts aux comédiens . On nous dit fourbes , hypocrites, menteurs, interessés, avares, flatteurs, cruels, on nous attribue autant de vices que de feuilles à une frisée. Je voudrais rétablir la verité : on a raison ! Nous ne sommes pas des hommes mais des pantins, des simulacres d'hommes. Lorsqu'on nous voit agir, nous suivons les indications du régisseur . Lorsqu'on nous entend parler, nous récitons les phrases de l'auteur. Lorsqu'on nous blesse, nous ne saignons pas. Lorsqu'on nous tue, nous ne mourrons pas. Si l'on nous dit " je t'aime ", nous préparons notre prochaine réplique. Et quand nous le disons à notre tour , nous tendons l'oreille vers l'éventuel applaudissement . Une âme de comédien , qu'est ce que c'est, mesdames et messieurs ? Un courrant d'air, un souffle froid qui va se réfugier dans des habits d'emprunts et qui, sitôt qu'il en est délogé, court vite parasiter un autre costume . Pourquoi ? C'est que ça n'est pas sûr d'exister, un comédient c'est un bipede frappé d'une sorte d'infirmité originelle : l'inconsistance. Certains d'entre vous se pincent parfois dans la journée pour verifier qu'ils sont bien éveillés ; eh bien notre pinçon à nous, c'est la gloire. Est ce que j'existe ? Pour m'en assurer, il faut qu'on m'applaudisse . On m'acclame, donc je suis. La gloire, il nous faut cette douleur, cette course loin de soi, cette envie frénétique de transformer l'univers entier en un miroir labyrinthique qui atteste de notre existence, oui, tout l'univers comme un placard d'affiches où s'etale notre nom en gros, au dessus du titre .Nous ne sommes pas doués pour la vie, nous sommes doués pour les vies, les vies multiples, contradictoires, diverses.Libertin de pensée,menteur de profession,infidèles de temperament,le comedien n'a qu'une maitresse,le salle, cette présence ombreuse, cette grosse patte de chat qui palpite, imprévisible, et d'un instant à l'autre peut griffer ou caresser.Voilà le seul rendez-vous quotidien qi nous interesse, la salle,celle où nous nous préciitons tous les soirs après des journées de somnabulisme..."

     "Frederick" d'Eric Emanuel Schmitt.

     


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